Kapitalis 6-10-2020
Mehdi Jendoubi
Universitaire
Monsieur Walid Zidi n’est plus ministre, je peux donc
sans risques dire du bien de lui. Le ministre éphémère entré fin Aout 2020 au
premier gouvernement de M.Hichem Mechichi et démis un
mois plus tard, début Octobre, pose par son profil et son style un
certain nombre de questions qui s’avèrent pertinentes dans une situation où nos représentants et nos dirigeants patentés, les
vrais professionnels de la politique sont souvent décriés par les bases mêmes
qui les élisent régulièrement.
Ceux qui ont proposé son nom et ont soutenu sa
candidature au poste de ministre, affirment un certain nombre de valeurs :
c’est un jeune qui a su surmonter les épreuves de la vie et transformer son
handicap en succès universitaire : quelle belle leçon d’espoir à l’adresse
de la jeunesse de notre pays et quel geste à portée symbolique pour tous ceux que
la vie a privé de vue ou de motricité ou de toute autre ressource.
Une valeur morale affirmée, chasse une autre plus
conventionnelle. Ce n’est pas son militantisme contre l’ancien régime
transformé en fonds de commerce d’une grande efficacité pour l’accès aux
responsabilités, qui a amené monsieur Zidi à son poste, ni son appartenance partisane, ni sa fortune
personnelle, ni un soutien de grande famille ou une implantation régionale ou
tribale. Ces ancrages socio-politiques, sont le vrai background de très
nombreuses carrières, dont les détenteurs sont hissés aux postes les plus
importants pour décider de notre sort. Ils n’opèrent pas uniquement en Tunisie
et sont le lot commun de la politique.
Depuis dix ans, la Tunisie a vécu une vraie mutation de
sa classe politique jamais connue depuis l’indépendance, ceux qui ont longtemps
été marginalisés par l’ancien système et qui peuplaient les prisons et les exodes,
ou ceux dont les carrières ont été brisées pour velléité d’indépendance ou pour
appartenance syndicale, ont obtenu après 2011, de réelles opportunités dans les
nombreux gouvernements de la deuxième république ou dans les multiples
organismes de haut niveau de l’Etat.
Mais il n’est pas exagéré de dire que ce renouvellement
de la classe politique reste problématique à plusieurs égards. Si le parti
unique de fait au pouvoir a disparu en 2011, l’appartenance partisane comme critère
de recrutement reste par contre prédominante. Elle présente des limites aussi
en terme qualitatifs : faible représentation des femmes, des jeunes, et des
minorités. Sur le plan des spécialités une surreprésentation de certaines
professions juridiques et une sous-représentation d’une large panoplie de
spécialités et en particulier des sciences sociales et humaines.
Nul ne conteste en Tunisie les modes d’accès aux postes
électifs. La révolution a mis au point les structures efficaces qui
garantissent le sérieux et l’honnêteté globale des élections, même si des
critiques partielles sur le rôle de l’argent dans l’influence des électeurs
sont avancées systématiquement, comme cela est d’ailleurs le cas dans bien
d’autres pays. Mais de multiples postes de haut niveau sont octroyés de manière
nominative, et cette question devrait faire l’objet d’un débat critique sur les
qualités et les critères et les processus de nomination. De fait les PDG des
entreprises nationales, les directeurs généraux, les gouverneurs et délégués
peuvent être bien plus puissants et efficaces et en prise directe avec les
réalités du pays, que certains
ministres. Leur nomination ne doit pas être moins sous les projecteurs du débat
public, que celle des élus.
Le passage éphémère au ministère de la culture de
monsieur Zidi pourrait devenir une occasion pour ouvrir un dossier qui ne
manque pas d’importance : quels profils de responsables sont nécessaires à
notre pays, quelles valeurs, quelles compétences et quel style de pouvoir?
Quelles formations complémentaires sont-elles nécessaires aux élites
détentrices d’une panoplie de spécialités universitaires, mais incompétentes en
terme d’exercice du pouvoir et de gestion de l’Etat ? Monsieur Zidi a
amené à la politique une certaine fraicheur, mais son manque de professionnalisme
politique et sa méconnaissance de la langue de bois lui ont coûté son poste.
La politique a besoin de valeurs pour se renouveler et
obtenir l’adhésion des citoyens, mais les personnes qui incarnent ces valeurs
sont souvent apolitiques ou incultes en habitus politique et le savoir-faire
spécifique particulièrement en terme de communication politique, leur manque et
leur joue de sales tours. Monsieur Zidi, une vraie étoile filante dans le ciel
grisonnant de cette Tunisie en apprentissage démocratique.(jendoubimehdi@yahoo.fr)
Source :
Walid Zidi, l’étoile filante de la politique en Tunisie - Kapitalis
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