كلما أدّبني الدّهر أراني نقص عقلي

و اذا ما زدت علما زادني علما بجهلي

الامام الشافعي


mercredi 18 mai 2022

Tunisie : Trêve de politique, ouvrons le chapitre Sagesse.

Mehdi Jendoubi.

Universitaire.

La Tunisie est fatiguée de politique, nous allons collectivement vers l’impasse et aucune partie aussi bien du côté du pouvoir que de l’opposition, n’est en mesure de convaincre l’autre de la justesse de ses choix par des analyses politiques, bien sûr en donnant au terme analyse une définition bien large pour intégrer les affirmations laconiques, les invectives et les slogans colportés par vidéo, et élevés au rang, de pensée politique, à la va vite.

Le président de la République, est actuellement le seul détenteur d’un pouvoir légitime après avoir mis hors circuit la représentation nationale arrivée déjà à un état de décrépitude avantle coup de grâce présidentiel du 25 juillet 2021, il jouit d’un réel soutien populaire, et ses pires détracteurs reconnaissent publiquement ou dans leur âme et conscience, son honnêteté et sa rectitude, qui sont son ultime capital politique, dans un pays aux multiples déceptions, élection après élection depuis plus de trois décennies.

Un réel malentendu, au fossé de plus en plus grandissant, existe entre le président et l’élite politique de son pays, et il est dangereux de continuer à avancer en rang dispersé, et narguer l’élite sous prétexte de soutien populaire.

Avec tous ses défauts, l’élite politique tunisienne est fille de ce pays, et elle a façonné son histoire contemporaine, et toute réforme politique ou économique ou culturelle passera nécessairement par elle, ou sera mort-née.

 

Quel arbitre crédible pour les élections ?

 

Dans l’habile stratégieprésidentielle, qui a détricoté en maître orfèvre, le système politique instauré en 2014, la « reforme » cavalière de l’Instance Supérieure Indépendante pour les Elections (ISIE), est un coup de trop.

Indépendamment du champ de compétences, des retouches de structure et des personnes, l'erreur fatale qui équivaut à tuer la poule aux œufs d'or, est de reformer l'ISIE, en dehors du consensus des futurs concurrents. On ne change pas d'arbitre la veille d'un mach et il ne revient à aucune équipe en compétition, de designer l'arbitre. Être juge et partie biaise le jeu.

La tare qui a longtemps collé aux régimes successifs avant la révolution, a été le doute quasi général, concernant la crédibilité des élections, devenue une simple formalité.

L'ISIE était loin d'être parfaite, mais sa qualité principale depuis sa première version de 2011 était d'être acceptée par les acteurs en compétition, ce qui entraine aussi l'acceptation des résultats électoraux par ceux qui ont échoué, rite démocratique majeur et seule garantie de stabilité d'un régime.

Toutes les élections futures, même celles qui se dérouleront correctement, souffriront de ce bidouillage juridique. Changer de manière aussi légère les règles du jeu sans souci de consensus, nous fait revenir à la case départ du système politique antérieur à la révolution, celle du doute généralisé, le vers qui finira par faire pourrir le fruit, la graine de sable qui fera grincer la machine.

Deux pas en avant un pas en arrière.

La ligne droite n’est pas toujours le seul chemin à prendre et l’adage dit que parfois il faut savoir reculer, pour mieux sauter. L’histoire internationale et nationale est riche de décisions courageuses, prises par de grands leaders, contraints de faire des pauses ou même de changer de tactique.

Lénine dans les années 1920 a dû changer de politique économique, au vu des mauvais résultats suite aux décisions prises après la révolution russe de 1917, et a lancé la NEP (Nouvelle Economie politique), renonçant à certains dogmes, et a justifié cette décision par sa fameuse formule : « deux pas en avant, un pas en arrière ».

Bourguiba après avoir signé avec le leader libyen Guaddafi un traité d’union, en 1975, a changé de politique en quelques jours devant les pressions venant de toutes parts, et a renoncé à ce projet de création de la République Arabe Islamique qui fusionne la Tunisie et la Libye, et par conséquent a renoncé à cet espoir de voir toute la dette tunisienne effacée, comme promis par le leader libyen.

Plus tard en 1984, après avoir cautionné la hausse du prix du pain à la demande de son premier ministre M. Mohamed Mzali, ce qui a entrainé une révolte généralisée, il annonça lui-même publiquement un retour à la case départ et l’annulation des hausses, et le calme revint.

Des voix s’élèvent de plus en plus nombreuses en Tunisie, pour appeler à retarder l’échéance du referendum du 25 Juillet 2022. La question n’est pas technique, car il est évident pour toute personne sensée, que les conditions minimums, pour faire de cette date un rendez-vous de consensus national, sont inexistantes.

Ce geste présidentiel de bonne volonté, permettra de calmer les esprits, et donnera le temps d’organiser dans de meilleures conditions, le débat national annoncé. Le président sera le moteur et la locomotive de ce vaste projet de réforme politique annoncé au lendemain de son élection en 2019, quand il a parlé, sans être pris au sérieux par les vieux routiers de la politique, de «nouvelle révolution dans la loi », mais un moteur ou une locomotive doivent être en mesure d’entrainer avec eux engrenages et wagons.

De la pédagogie de classe à la pédagogie politique.

A quoi bon être porteur de vérité si on ne réussit pas à la faire partager au-delà du cercle des ses amis et admirateurs ! Ce n’est pas à un enseignant qui a passé sa vie à transmettre des idées aux jeunes, qu’on rappellera que les idées sont toujours difficiles à transmettre, et la patience du maître est son atout principal dans cette mission. Passer de la pédagogie de classe à la pédagogie politique pose peut-être quelques problèmes, à ne pas sous-estimer, car ils sont source de confusion malgré la sincérité et la bonne volonté. Quel chef n’a pas de défauts ? les reconnaitre et les corriger, le fera grandir.

La décision ne sera pas d’ordre politique, même si elle aura de grandes conséquences politiques : c’est dans le chapitre Sagesse des grands livres de l’humanité, qu’on puisera les plus beaux arguments qui convaincront les amis et les adversaires, qu’ils ont affaire à un président qui sait être à l’écoute de tous les citoyens, ceux qui le soutiennent et lui font confiance et ils sont nombreux, et ceux qui lui disent « non » et s’opposent à sa politique. Quelle haute sagesse d’aimer aussi ceux qui ne nous aiment pas. Quel beau et difficile métier, d’être le président d’un peuple fier et libre. jendoubimehdi@yahoo.fr

 

Source:

Tunisie : Trêve de politique, faisons preuve de sagesse! - Kapitalis