كلما أدّبني الدّهر أراني نقص عقلي

و اذا ما زدت علما زادني علما بجهلي

الامام الشافعي


lundi 2 avril 2001

PROPOSITIONS POUR L’ENSEIGNEMENT DES LANGUES A L’IPSI

Par Mehdi Jendoubi

Avril 2001.

L’enseignement des langues, étant comme les autres enseignements dispensés à l’IPSI, objet d’un débat pédagogique, il me semble opportun d'orienter la discussion sur les points les suivants:

Distinguer clairement les langues selon leur statut : l’Arabe langue nationale et langue principale de rédaction de nos diplômés, le Français et l’anglais langues étrangères d’accès aux informations et d’ouverture.

Sauf exception il est illusoire à partir de l’in-put actuel de nos bacheliers, de prétendre vouloir en faire des journalistes rédacteurs francophones ou anglophones (cela n’empêche pas de tout faire pour améliorer aussi bien leur compréhension, leur lecture que leur rédaction, bien au contraire ).

De leur côté les employeurs ne peuvent pas attendre de nos diplômés d’être de parfaits bilingues comme cela était le cas pour l’élite de la génération dite sadikienne. D’ailleurs aucune école de journalisme au monde ne forme des journalistes parfaits bilingues. Les journalistes francophones de l’agence britannique Reuter et ceux de l’agence américaine AP sont des français. Les journalistes hispanophones du service espagnol de l’AFP sont soit espagnols, soit ils sont issus des pays d’Amérique Latine.

Si la Tunisie a besoin de journalistes francophones ou anglophones, ce n’est pas à l’IPSI qu’elle pourra les trouver ( sauf exception bien sûr). On peut envisager une formation en journalisme pour des étudiants en lettres dans le cadre des 20% d’ouverture à d’autres spécialités que le ministère de l’enseignement supérieur envisage d’introduire dans les maîtrises, ou réactiver le DESS de journalisme ouvert à des détenteurs de maîtrises littéraires).

Pour la langue Arabe aucun cours de deux ou même de quatre heures sur deux ou trois ans ne permettra à des étudiants défaillants en rédaction dés l’école primaire ou secondaire de devenir de bons rédacteurs, sauf exception ( et elles existent, car les hommes et les femmes peuvent toujours surprendre par leur dévouement, leur volonté et leur capacité d’apprendre!).Il faudrait exiger comme pré requis à l’accès aux études de journalisme un certain niveau de langue ( selon quelle formule? le débat est ouvert).La rédaction est une compétence fondamentale et très lente à acquérir.

Même avec ce pré requis, je pense que pour des raisons de sociolinguistique ( à débattre avec les spécialistes de cette question), il faudrait maintenir et privilégier un enseignement de la langue nationale parallèlement aux langues étrangères. Tout le problème est de concevoir un enseignement adapté aux objectifs généraux de la formation des journalistes et de rompre avec cet « air de lycée » et ce goût de « déjà vu » qui a tellement nuit à notre premier cycle dans son état actuel (version réforme 92).

Je pense qu’on pourrait s’orienter vers un enseignement de l’expression orale et écrite qui intégrerait avec quelques autres ajouts, ce qui se dispense actuellement dans les cours de langue, de rédaction et de méthodologie (première année).

Cet enseignement aurait pour objectif évidemment des rappels et des compléments de formation grammaticale, nous en avons tous toujours besoin  et les journalistes plus que tous les autres, eux dont les fautes sont démultipliées par l’étendue de la circulation de leurs messages ).

Un rythme soutenu de production intellectuelle sous toutes ses formes: exposés, prise de parole lors de débats et tables rondes, notes de lectures, résumés/contractions de textes/synthèses, réécritures, dissertations (oui la dissertation de culture générale avec une introduction un développement et une conclusion! Une fois par semaine!), et même pour les mordus écriture créative: poésie, nouvelles...

Un enseignement même élémentaire de stylistique.

L’analyse ou l’explication de texte (produire du sens ), devrait également y être privilégiée(toute la vie du journaliste va consister en grande partie à lire/écouter et tenter de comprendre).

Un axe lexicographique : le champ lexical du séisme, le champ lexical de la peinture, du théâtre, du coup d’état, du protocole d’une cérémonie officielle, etc... Cela pourrait déboucher sur des fiches couvrant les domaines de l’actualité.

Il devrait également intégrer un objectif d’ouverture intellectuelle et de renforcement de la culture générale par la programmation de lectures  diverses et en particulier ce que nos collègues de littérature Arabe appellent (« Hadhara ») et d’activités culturelles à intégrer dans l’enseignement (assister à des pièces de théâtre, voir des films, visiter des expositions d’arts plastiques, assister à des conférences et à des colloques...).Ces multiples activités peuvent déboucher sur la production de comptes-rendus, de synthèses d’entretiens et de critiques.

Un accord de partenariat peut être signé avec les principales maisons de culture de Tunis pour faire bénéficier nos étudiants de leurs activités culturelles qui prolongeraient naturellement nos enseignements).

Renforcement et/ou apprentissage de la recherche de l’information en particulier dans les ouvrages de références et les bibliothèques: dictionnaires, encyclopédies, fichiers, catalogues de périodiques et bibliographies.

Une formation en  techniques prise de notes.

Une initiation, ou au moins une sensibilisation aux techniques de lecture rapide .

Une sensibilisation même élémentaire (par des débats, des conférences ou des lectures) à des questions aussi abstraites que nécessaires pour tout intellectuel, producteur de textes :


  • rapports entre pensée/conception et écriture (« ce qui se conçoit bien s’énonce clairement»)
  • rapports entre lecture et écriture
  • réflexion même embryonnaire sur les niveaux de langue et en particulier les rapports Arabe classique/arabe vernaculaire : « fassiha et darija »(les médias tunisiens et Arabes affrontent quotidiennement les multiples implications de cette question).
  • la dimension artisanale de l’écriture (écrire c’est « bricoler avec des mots »)
  • réflexions sur la lisibilité d’un texte
  • rédaction « utilitaire » et rédaction « créative »
  • journalisme et littérature, quels rapports?
  • écriture et action
  • écriture et nature du support : écrire pour la radio, pour la télévision, etc…
  • écriture et construction de soi.
  • écriture, angoisse et plaisir. 

Une telle formation serait d’un réel appoint pour les cours de journalisme, qui même quand ils traitent de rédaction journalistique ne sont pas en mesure de faire face convenablement à toutes les questions fondamentales d’expression écrite et orale. Il y a tellement d’autres aspects à traiter dans un enseignement de journalisme! Plus que tous les autres, des enseignants ayant une formation littéraire sont à mêmes d’assurer convenablement cette formation intégrée orientée vers le renforcement et le développement des capacités d’expression orale et écrite. 

Il n'y a pas de meilleure conclusion à cette note que celle adoptée par William L Rivers qui achève son manuel de journalisme intitulé THE MASS MEDIA (Harper&Row), sur la pensée suivante de Confucius à qui on posa la question de savoir ce qu'il ferait s'il devait un jour gouverner un pays. "Ce serait certainement de corriger la langue , répondit Confucius. Intrigué, l'homme qui lui posa la question lui dit : pourquoi? Si la langue est incorrecte, répondit Confucius, alors ce qui est dit n'est pas ce qui a été conçu, et si ce qui est dit n'est pas ce qui a été conçu, alors ce qui devrait être effectué reste non accompli. Si cela reste non accompli alors la morale et les arts se détériorent , et si la morale et les arts se détériorent, la justice s'égare. Si la justice s'égare, les gens versent dans une impuissance confuse. Ainsi il ne doit pas y avoir d'arbitraire dans ce qui est dit, cela détermine à peu prés toute chose"(p 558). JM.