Kapitalis 24 Mai 2018
Mehdi jendoubi
universitaire
Il y a un calendrier politique qui s’impose aux acteurs
publics comme les saisons naturelles aux agriculteurs, le méconnaitre serait
une erreur. Oublions les noms proposés aux hautes
fonctions de chef de gouvernement et laissons de côté, un
instant les positions légitimes, de chacun sur un probable remaniement complet
du gouvernement, et raisonnons en espace-temps, variable dont toute action qui
se veut efficace, doit tenir compte.
Un nouveau chef de gouvernement fera face à trois
mois d’été où l’inefficacité de l’appareil d’Etat est
notoire et affrontera la phase préélectorale des élections
législatives et présidentielles de 2019, qui prendra un minimum de trois mois
sinon plus où il ne faudra pas mécontenter le peuple
par des mesures impopulaires. Même si on opte pour un technocrate qui
s’engagera publiquement à ne pas se présenter
aux prochaines élections, il devra obtenir le soutien des deux partis
principaux de l’assemblée et toutes ses décisions seront aux yeux du peuple la responsabilité
de la coalition au pouvoir qui lui aura donné sa confiance. Il ne pourra pas ne
pas en tenir compte ne serait-ce que pour le timing de ses réformes.
Pour déployer sa nouvelle politique publique tout chef de
gouvernement aura devant lui tout juste au maximum douze mois de temps réel et
efficace.
Même si les dossiers sont prêts, il ne pourra pas se
limiter à réchauffer un plat préparé par le précèdent gouvernement et devra
engager des expertises complémentaires et d’actualisation en fonction du nouveau
consensus de Carthage 2, ce qui également prendra du temps.
D’un autre côté, Il
ne pourra jamais engager toutes les reformes à
la fois et devra donc les répartir chronologiquement et les enchaîner sur
tout juste une année, pour espacer les douleurs et les mécontentements.
Plus encore, même si les acteurs publics principaux,
signataires des accords de Carthage 2 sont d’accord sur tous les détails, il
faudra négocier chaque réforme avec les acteurs sociaux sectoriels même si cela
peut paraître comme une simple formalité et même superflu, puisque
les « grands » se sont entendus entre eux. D’abord, cela peut mieux
aider à expliquer et convaincre pour faire passer la pilule, que
tout le monde qualifie d’avance d’ « amère ». Et surtout, le
chemin est long entre les accords entre « chefs » et l’acceptation
par les forces réelles sur le terrain. Quand il faut compter ses sous, le
chacun pour soi n’est pas une spécialité tunisienne. L’actualité sociale
mondiale est là pour nous le prouver.
De même, aucune consultation sérieuse ne peut se faire en
moins de deux mois. Ajoutez-y le volet légal s’il y a des lois nécessaires aux
reformes, à faire passer au parlement.
le temps réel d’intervention et d’action efficace se
réduit objectivement à peau de chagrin. Tout nouveau chef de
gouvernement aussi dévoué et compétent fût-il, affrontera une mission objectivement impossible. Le
calendrier politique est en régime démocratique une donne politique, et impose
son propre rythme.
Prochainement le chef de l’Etat prendra une des décisions
les plus importantes de son mandat. A lui seul reviendra la lourde
responsabilité de faire prévaloir l’intérêt général face au carrefour des
intérêts sectoriels des honorables signataires de cartahage2. Dans son isoloir,
sa tâche ne sera pas aisée.
Il n’est pas sain de banaliser pour la troisième fois
après le changement de Monsieur Essid, et du départ de M Chahed s’il se
confirme, un scenario qui n’est pas conforme à l’esprit de la constitution de
2014, du moins cela est sujet à débat. C’est au sein du parlement que les
grandes manœuvres politiques doivent avoir lieu, les externaliser
systématiquement en réunissant les acteurs politiques autour du chef de l’Etat,
affaiblit l’assemblée et minorise le chef du gouvernement, deux institutions
sensées rééquilibrer un pouvoir jugé excessif aux
mains des deux chefs d’Etats de la première République. Le recours au chef de la
République devra être un recours ultime et non une démarche systématique.
jendoubimehdi@yahoo.fr
http://kapitalis.com/tunisie/2018/05/24/tunisie-changement-de-gouvernement-et-calendrier-politique/
A propos de Tahya Tounes : Ceux qui naissent grands, peuvent finir petits.