Kapitalis 18 Septembre 2014
Il est temps
pour les acteurs politiques tunisiens de considérer les journalistes comme
partenaires du projet démocratique et non pas comme de simples faire-valoir.
Par Mehdi
Jendoubi*
L’annonce par
Mehdi Jomaa, mercredi 17 septembre 2014, qu’il ne se portera pas candidat à la
présidentielle m’interpelle en tant que citoyen et formateur de journalistes.
En tant que
citoyen, je ne peux qu’être satisfait et rassuré de voir le chef du
gouvernement provisoire réaffirmer sa fidélité aux engagements pris dans le
cadre du dialogue national, qui est à la base de la légitimité de son
gouvernement dont aucun membre n’est autorisé à se porter candidat aux
élections de 2014.
Par contre, en
tant que formateur de journalistes, j’ai été étonné et même choqué de voir les
dignes représentants de notre corporation traités comme un élément de décor et
un faire-valoir dans une mise en scène de communication politique.
Faire appel à
des journalistes, venus en masse malgré une actualité préélectorale surchargée,
pour assister à un événement annoncé comme important en cours de journée et les
priver de poser des questions, c’est tout simplement les empêcher d’exercer
convenablement leur métier, un peu comme si on appelait un médecin en lui
interdisant de nous tâter le pouls ou de poser son stéthoscope pour nous
ausculter.
Poser des
questions est un acte journalistique de base auquel les manuels de journalisme
consacrent un chapitre et pour lequel les étudiants s’exercent dans les écoles
de journalisme. Il est, bien sûr, du droit des acteurs politiques de ne pas
vouloir répondre à des questions, mais dans ce cas ils se doivent de choisir
d’autres formes de communication comme prononcer un discours devant un parterre
de responsables ou de partisans ou s’adresser directement aux citoyens par voie
de radio et de télévision ou tout simplement par un communiqué de presse repris
par l’agence Tap.
Les
journalistes privés de poser des questions sont réduits à de simples porteurs
de micros, et la première victime s’en trouve être le citoyen qui a droit à une
information complète, vérifiée et enrichie et non pas à un discours officiel,
qui, en refusant de se soumettre aux questions des journalistes, ne peut être
considéré que comme une propagande, comme il est du droit de tout acteur
politique institutionnel ou non de le pratiquer.
De par leur
métier, les journalistes sont appelés à recevoir ce discours, à le traiter dans
le respect mais avec rigueur et les questions sont un des instruments de cette
rigueur.
Bien entendu,
nous construisons depuis trois ans, en Tunisie, un nouveau système politique
démocratique et nous tentons de mettre les bases de traditions de travail entre
acteurs publics et médias. Le flou et les erreurs sont inévitables des deux
côtés, mais réparables à condition de considérer les journalistes comme
partenaires du projet démocratique et non pas comme de simples faire-valoir.
* Journaliste formateur.
Source:
Evaluation critique de la dépêche de l'agence TAP en l'An 2000
Journalistes professionnels et journalistes amateurs
La fonction du discours critique dans les quotidiens tunisiens